De la philosophie du monde et du challenge

Publié le par Pierre Lahutte

De la philosophie du monde et du challenge

Challenge de l'entreprise, du politique, de la société. Étudié à son origine historique, chacun de ses divers dogmes principaux ne constitue réellement, comme je l'établirai plus tard, que le résultat transitoire de la décadence correspondante de l'ancien ordre social, dont cette systématisation abstraite a dû, par une réaction naturelle, accélérer beaucoup la décomposition spontanée, dès-lors irrévocablement formulée. Malheureusement, le caractère essentiel d'une telle opération philosophique, et surtout l'esprit métaphysique qui a dû présider à son accomplissement, devaient graduellement conduire à concevoir comme absolue, une doctrine que sa destination nécessaire rendait si évidemment relative au seul système qu'elle avait à détruire. Si ce grand travail critique pouvait recommencer aujourd'hui, peut-être ne serait-il point impossible, en l'entreprenant du point de vue positif, de construire en effet la doctrine révolutionnaire, en lui conservant avec soin toute son énergique efficacité contre l'ancien ordre social, sans l'ériger en obstacle systématique à toute organisation quelconque: j'espère, du moins, parvenir à démontrer que cette doctrine peut être ainsi conçue et utilisée désormais, dans une intention organique, et néanmoins sans aucune inconséquence, pendant toute la période d'activité plus ou moins indispensable qui devra lui rester encore jusqu'à la formation suffisamment ébauchée du nouveau système politique. Mais, laissons aux esprits vulgaires la puérile satisfaction de blâmer injustement la conduite politique de nos pères, tout en profitant des progrès indispensables que nous devons à leur énergique persévérance, et qui seuls peuvent nous permettre aujourd'hui de concevoir plus rationnellement l'ensemble de la politique moderne. Un esprit métaphysique, et, par suite, absolu, devait nécessairement diriger la formation effective de la doctrine révolutionnaire ou anti-théologique, puisque, sans la prépondérance préalable de cette doctrine, notre intelligence n'eût jamais pu s'établir réellement au point de vue positif, suivant ma théorie fondamentale du vrai développement général de la raison humaine. Enfin, par une considération plus spéciale et plus directe, ce caractère inévitablement absolu, imprimé d'abord aux dogmes critiques, pouvait seul développer assez leur énergie fondamentale pour les rendre susceptibles d'atteindre pleinement leur destination propre, en luttant avec succès contre la puissance alors si imposante qui restait encore à l'ancien système politique. Car, si l'on eût tenté jusqu'ici de subordonner à des conditions quelconques l'application réelle des principes critiques, comme ces conditions ne pouvaient être empruntées au nouvel ordre social, dont la vraie nature générale demeure, même aujourd'hui, essentiellement indéterminée chez les plus hautes intelligences, il est évident que de semblables restrictions, dès-lors uniquement dérivées de l'ordre existant, auraient inévitablement produit l'annulation politique de la doctrine révolutionnaire. Tel est, en aperçu, le mode fondamental suivant lequel l'indispensable négation du régime théologique et féodal a dû se convertir spontanément en négation systématique de tout ordre vraiment régulier. Mais, quelque satisfaisante que soit logiquement une pareille explication, cette déplorable nécessité finale n'en détermine pas moins aujourd'hui les plus pernicieuses conséquences, qui, dissimulées naturellement tant que la lutte contre l'ancien système a dû constituer le principal objet de la politique active, se manifestent, avec une gravité toujours croissante, depuis que ce système est assez détruit pour permettre et même pour exiger l'élaboration directe du système nouveau. C'est ainsi que, par une exagération, abusive quoique inévitable, la métaphysique révolutionnaire, après avoir rempli, pour la démolition du régime théologique et féodal, un indispensable office préliminaire dans le développement général des sociétés modernes, tend désormais de plus en plus, en vertu de l'essor qu'elle a dû imprimer à l'esprit d'anarchie, à entraver radicalement l'institution finale de ce même ordre politique dont sa protection nécessaire a tant préparé jusqu'ici le salutaire avénement. Quand le cours naturel des événemens a conduit aussi spontanément une doctrine quelconque à devenir directement hostile à sa destination primordiale, une telle subversion constitue sans doute, le symptôme le moins équivoque de sa prochaine décadence inévitable, ou elle annonce, du moins, que son activité doit bientôt cesser d'être prépondérante. Nous savons déjà que la politique théologique ou rétrograde, qui n'a de prétentions qu'à l'ordre, est devenue, à vrai dire, aussi essentiellement perturbatrice aujourd'hui, quoique d'une autre manière, que la politique métaphysique ou révolutionnaire. Si donc celle-ci, dont la seule qualité fondamentale n'a pu être que de servir jusqu'ici d'instrument général au progrès politique, constitue maintenant un obstacle direct au principal développement social, cette double démonstration sera certainement la plus propre à mettre en pleine évidence la nécessité fondamentale de remplacer désormais, par une doctrine vraiment nouvelle, deux doctrines plus ou moins surannées, dont chacune témoigne ainsi son impuissance finale à atteindre réellement le but même qu'elle s'était trop exclusivement proposé. Cet examen étant surtout fort grave envers la politique métaphysique, la seule qui mérite aujourd'hui une discussion sérieuse, comme ayant seule tendu à produire une apparence de système nouveau, je crois devoir ici arrêter spécialement l'attention du lecteur sur ce point capital, dont l'éclaircissement doit jeter une lumière si indispensable, quoique simplement provisoire, sur le vrai caractère fondamental de la société actuelle.Source: Challenge Commercial.

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